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La réforme du Label ISR : Un cadeau pour les entreprises d’hydrocarbures étrangères ?

Point de vue | Le label ISR : une fausse représentation ?

Le label ISR, qui a pour but de valider les fonds les plus éthiques, vient d'être modifié par l'État. Il ne s'applique désormais plus aux entreprises lançant de nouvelles initiatives dans le secteur pétrolier. Guillaume Prache critique cette révision idéologique qui pourrait avantager les sociétés étrangères spécialisées dans le domaine des hydrocarbures.

La transformation du label ISR (Investissement Socialement Responsable) français, telle qu'elle a été présentée par le ministère français des finances, a pour principal objectif d'encourager davantage les investisseurs institutionnels français à réduire leurs parts dans les entreprises pétrolières. Ce label est très apprécié par ces investisseurs pour les fonds qu'ils proposent aux particuliers. Les Echos ne s'y trompent pas, anticipant l'éviction des dernières actions de BP et Total du portefeuille déjà conséquent des fonds ISR. Ces mêmes entreprises sont récemment devenues les principaux investisseurs dans l'énergie éolienne offshore en Europe, suite à leur victoire dans l'appel d'offres allemand de 13 milliards d'euros.

Pourquoi ont-elles réussi ? Principalement parce qu'elles disposaient des substantiels fonds d'investissement nécessaires pour gérer l'instabilité économique potentielle du projet, des fonds obtenus grâce aux bénéfices tirés du pétrole. En outre, ces entreprises sont parmi les plus performantes au niveau mondial en termes de dévouement à la transition énergétique et à l'amélioration de l'ESG.

Il semble que cette transformation idéologique passe à côté des principes fondamentaux de l'économie globale. Premièrement, c'est la requête pour le pétrole qui génère l'approvisionnement, et non l'inverse. L'exclusion principalement de compagnies pétrolières cotées en bourse comme BP, Total, Shell, ENI, etc, ne fera qu'inciter davantage les investisseurs européens à brader leurs parts restantes dans ces entreprises pétrolières. Cependant, cela n'aura probablement aucun impact sur la demande en pétrole, qui est le véritable enjeu de la transition énergétique.

7% des émissions globales

Par ailleurs, la disponibilité du pétrole est une affaire internationale et ne se limite pas seulement à l'Europe et à la France. En continuant à dévaloriser uniquement les entreprises pétrolières européennes cotées, cela profite grandement à Saudi Aramco et autres compagnies similaires, ainsi qu'aux hedge funds et investisseurs hors d'Europe, qui ne sont pas nécessairement les plus exemplaires en matière de critères ESG. Par ailleurs, il est important de souligner que l'Europe n'est responsable que de 7% des émissions de CO2 à l'échelle mondiale. Il est donc temps de réorienter les investissements hors de notre continent, car c'est là que se déroule la véritable lutte contre le changement climatique. C'est un point que le Label ISR ne mentionne pas.

Aussi à noter :

Les bénéfices de la colossale entreprise pétrolière saoudienne Aramco atteignent un sommet.

TotalEnergies et Aramco démarrent la réalisation de leur immense projet dans le domaine de la pétrochimie.

La production d'huile pourrait devenir encore plus "polluante" en termes d'ESG, le label ISR favorisant davantage les entreprises qui sont moins engagées dans ce secteur, qui ne sont pas soumises aux réglementations européennes en matière d'ESG et encore moins aux droits des petits actionnaires, lorsqu'ils existent. Cette décision augmentera aussi la dépendance énergétique de l'Europe en cédant ses compagnies énergétiques les plus respectueuses de l'ESG à des investisseurs et des entités non européennes qui sont moins respectueuses.

Entreprise polluante

La stratégie d'investissement durable par exclusion négative (ou positive), c'est-à-dire par désinvestissement, est certes simple à comprendre et à mettre en œuvre, mais elle est aussi la plus nuisible pour l'environnement en période de transition énergétique. Elle est particulièrement vulnérable au "greenwashing" car elle ne révèle rien aux investisseurs sur ses effets sur l'économie tangible, l'environnement, la société et la gouvernance. Et pour une bonne raison, comme l'ont clairement illustré Shue et Hartzmark (Université de Yale et Boston College), "si une entreprise polluante réduit ou augmente ses émissions de seulement 1%, c'est beaucoup plus significatif qu'une entreprise écologique typique qui réduit ses émissions de 100%".

Aussi à lire :

"Le label ISR va imposer des critères de performance"

ISR : Quels fonds sont concernés par la nouvelle réglementation ?

Il est essentiel pour nous d'obtenir des fonds pour la transition écologique. Les méthodes d'investissement prédominantes aujourd'hui, qui consistent à remplir les fonds et les indices dits "verts" avec des entreprises de services principalement numériques (comme Google, Microsoft ou Visa, qui sont en tête des principaux indices "ESG") et à ignorer les entreprises plus "polluantes", nous conduisent droit vers un désastre.

Écoblanchiment de l'étiquette

Les investissements considérables nécessaires pour la transition énergétique et écologique requièrent des stratégies d'investissement durable plus adaptées, plus audacieuses et visant à favoriser de manière positive la transition environnementale et ESG. Cela inclut l'implication des investisseurs institutionnels et individuels, ainsi que l'approche "meilleure dans sa catégorie", plutôt que le désinvestissement, qu'on pourrait également qualifier de stratégie "sauve-qui-peut".

Voir également :

ANALYSE – Finansol cherche à maintenir son avance.

Cette récente et absurde "modification" du label français s'ajoute à celle qui autorise une large attribution du label ISR aux fonds monétaires, c'est-à-dire à très court terme, ce qui accroît encore les risques de "greenwashing" liés à ce label. En outre, le label ISR ne permet plus depuis quelques années la représentation des épargnants en produits pouvant recevoir le label, l'acteur principal.

L'entité européenne sollicite l'opinion publique sur la révision de la classification des fonds "écologiques". De nouvelles catégories suggérées incluent les fonds qui adoptent une stratégie d'exclusion, et – une nouveauté – les fonds concentrés sur la transition écologique. Evitons de reproduire la même erreur que celle commise avec le Label ISR et basons-nous cette fois sur des preuves tangibles en écartant l'exclusion, et en orientant les épargnants vers la transition la plus rapide d'une économie largement "non durable" vers une économie plus "soutenable". C'est crucial pour le futur de notre planète.

Guillaume Prache a créé Better Finance, l'association européenne pour les utilisateurs de services financiers.

William Prache

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