Inondations record dans le Pas-de-Calais : le coût colossal des dégâts et les défis de la reprise

Inondations : le Pas-de-Calais paie un prix élevé

Tandis que l'eau continue de reculer dans certains endroits, l'évaluation des dégâts causés par des inondations sans précédent devient plus claire. Que ce soit pour les résidents, les autorités locales, le secteur agricole ou les entreprises, le coût s'annonce élevé.

Par Olivier Ducuing

"Chacun souhaite s'en aller". Marc Leroy semble un peu abasourdi. L'infatigable vice-président de la Chambre de Commerce et d'Industrie du Littoral Hauts-de-France craint que les entreprises de la zone de la Liane, située dans le bassin de vie de Boulogne-sur-Mer, ne partent. Ici, tout comme dans l'ensemble du département du Pas-de-Calais, de spectaculaires inondations se produisent en raison de précipitations hors normes, qui ont cumulé en moyenne 280 litres d'eau par mètre carré. Le Boulonnais (autour de Boulogne-sur-Mer) et, plus à l'intérieur des terres, la région de Saint-Omer (à une quarantaine de kilomètres au sud de Calais et Dunkerque) ont été particulièrement touchés, avec les débordements de la Canche, de la Liane et de l'Aa.

La facture totale risque d'être énorme. Xavier Bertrand, le président de la région, a averti sur BFMTV qu'elle pourrait atteindre "certainement" plusieurs milliards. Les dommages sont omniprésents. L'état de catastrophe naturelle doit être déclaré pour 214 communes du Pas-de-Calais, ainsi que 30 dans le Nord. Des milliers de maisons ont été impactées. La région et le département ont décidé conjointement de prendre en charge la franchise catastrophe naturelle, qui s'élève à 380 euros par dossier. Rien que dans le Pas-de-Calais, la moitié des 6 000 kilomètres de routes ont été touchées par les inondations, avec des structures qui sont restées constamment sous l'eau pendant quinze jours.

Depuis un certain temps, nous posons des questions et tirons la sonnette d'alarme […] Aucun d'entre nous ne sait qui est en faute et tout le monde se rejette la responsabilité. Marc Leroy, vice-président de la CCI Littoral Hauts-de-France.

Le réseau d'entreprises a également subi d'importants dommages. Aucun domaine n'a été épargné. Dans un cas, une usine de carton a dû être évacuée. Dans un autre, une ferme piscicole a perdu 75 tonnes de truites. Il y a aussi des chalets de camping qui sont maintenant invivables, un restaurant deux étoiles qui a été inondé, et une boulangerie avec son tout nouveau four qui a été détruite… Plusieurs acteurs clés ont été touchés, comme SBE, un important réparateur de téléphones portables, ou Roger Delattre, un spécialiste en structures métalliques.

Une équipe d'intervention spéciale

C'est également le cas de la société dirigée par Marc Leroy, l'imprimerie SIB spécialisée dans l'héliogravure, qui a perdu des centaines de tonnes de papier et a dû cesser ses activités, avec 135 employés sur 150 en chômage partiel. Le vice-président de la Chambre de Commerce et d'Industrie évalue ses propres pertes à plusieurs millions. "Nous n'avons jamais connu d'inondations de cette ampleur, et nous en avons subi trois en douze jours", déclare-t-il. C'est un autre coup dur, après la flambée des prix de l'énergie, dans un environnement déjà compliqué pour l'industrie. Cependant, des collègues belges et un espagnol devraient lui permettre de tenir provisoirement ses engagements envers ses clients.

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La Chambre de Commerce et d'Industrie des Hauts-de-France, qui dirige une équipe spéciale mise en place en collaboration avec le gouvernement et le conseil régional, estime qu'au moins 400 entreprises sont touchées. Cette unité, dotée d'un centre d'appels, se présente comme un point de contact unique pour toutes les entités économiques affectées par les inondations. Dans la région de Boulogne-sur-Mer, la seule zone d'activité de la Liane a été frappée par plusieurs inondations consécutives. "Plus de 90 entreprises sont impliquées, ce qui équivant à 1 500 à 2 000 emplois. Certains de nos membres ne pourront pas reprendre leurs activités avant plusieurs mois", selon Franck Hélias, secrétaire général du Medef Côte d'Opale.

La semaine dernière, Emmanuel Macron s'est déplacé, accompagné de son épouse et de trois de ses ministres (chargés de la Transition écologique, des PME et de l'Agriculture), pour exprimer la solidarité du gouvernement. Deux jours plus tard, Elisabeth Borne a également fait le déplacement. Le président a annoncé la création d'un fonds d'urgence de 50 millions d'euros, qui vient s'ajouter à celui de 10 millions d'euros déjà mis en place par le département du Pas-de-Calais. Par ailleurs, il a promis un autre fonds de 80 millions d'euros destiné aux agriculteurs, qui sera étendu aux régions de Bretagne et de Normandie suite aux récentes tempêtes. "Nous allons aider nos agriculteurs à compenser leurs pertes de production exceptionnelles ou de matériel, et à minimiser leurs frais", a-t-il déclaré. A cause des inondations, 2.500 hectares de terres agricoles ont été submergés, mettant en péril la fin de la récolte des betteraves. De plus, plusieurs exploitations laitières et les serres des maraîchers de Saint-Omer ont été détruites.

"Insuffisant"

"Cette aide financière de l'État nous aidera à faire face à la situation d'urgence, mais nous savons qu'elle ne sera pas suffisante. Nous sommes en train d'évaluer la situation. Il nous faudra des millions et des millions d'euros pour revenir à une vie normale", explique Joël Duquenoy, le président de l'agglomération du Pays de Saint-Omer, en se référant aux dommages causés aux routes. La question de qui est responsable pourrait être soulevée rapidement, allant au-delà des simples conditions météorologiques. François Lavallée, le président de la CCI Littoral, soulève des questions sur l'aménagement du territoire et la gestion des eaux.

Marc Leroy condamne fortement la bureaucratie excessive qui empêche une gestion efficace des voies navigables. "Nous avons soulevé et signalé ces problèmes depuis bien longtemps. La Liane est recouverte d'un mètre de boue sur une étendue de trois kilomètres. Nous avons proposé des solutions qui ont été ignorées. Personne ne peut identifier le coupable et tout le monde se rejette la faute", s'indigne-t-il, craignant que les compagnies d'assurance ne soient plus disposées à assurer le risque dans cette zone. La capacité des entreprises à prévoir les risques climatiques est aussi mise en cause. Une récente étude du cabinet Goodwill Management a révélé que, bien que les grandes entreprises puissent se préparer, les petites entreprises sont encore trop vulnérables face au risque climatique, sachant que les pertes économiques peuvent être considérables.

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