À Paris, l'art de la photographie est présenté sous toutes ses formes et à tous les tarifs
Le principal événement Paris Photo est entouré d'une multitude d'activités. Allant des images des premiers jours de la photographie, souvent négligées, à une production conceptuelle moderne qui correspond aux prix du marché de l'art actuel.
Par Judith Benhamou
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On est tout d'abord captivé par son regard vif et transparent. Dans cette photo, il pose, la tête inclinée, reposant sur un coussin. Ensuite, on remarque sa tête chauve, caractérisée par une excroissance sanglante au sommet. Sur une autre photo, il est montré nu, de côté. Son corps est marqué, couvert de signes, de perforations et de sang coagulé. Ces photos font partie des 300 originales qui constituent un album réalisé par un infirmier dans un hôpital de Paris pendant la Première Guerre mondiale. Toutes proviennent de la période 1916 à 1918, et certaines sont à peine supportables à voir.
Ces horreurs reflètent malheureusement également une réalité actuelle, celle des conflits qui secouent le monde actuellement. Pendant la semaine de la photographie à Paris, qui coïncide avec la principale foire internationale de cette discipline : Paris Photo au Grand Palais éphémère (jusqu'au 12 novembre), le commerçant parisien Adnan Sezer présente cet album (disponible à l'achat pour 15 000 euros) dans le contexte d'un petit événement en marge. En effet, le samedi prochain, il participera à une mini-foire d'un jour seulement qui rassemble une cinquantaine de spécialistes de la photographie ancienne : Photo Discovery.
La Grande Vague de Gustave Le Gray
Nichée au dixième niveau de l'Hôtel Pullman Paris Tour Eiffel, Photo Discovery est le fruit de l'effort d'un autre vendeur de photographies anciennes à Paris, Bruno Tartarin. Il a récemment lancé une galerie dans le passage Vivienne, à proximité de la Bibliothèque nationale, qui expose à peu près 3 000 tirages soigneusement sélectionnés, avec des prix allant de 500 à 10 000 euros. "Mon intention était de créer un espace où les gens peuvent réellement voir et toucher les photos", déclare-t-il. Pour 500 euros, on peut y obtenir un portrait d'une geisha datant du Japon des années 1870.
Il offre une des images emblématiques de la photographie naissante pour 200 000 euros, une "Grande Vague" de Gustave Le Gray (1820-1884), créée par photomontage en 1857. Le Gray est reconnu comme le maître de la photographie originelle, celle qui remonte aux années 1940 à 1960, une époque où tout était à créer. A cette période, la photographie elle-même n'avait pas plus de 10 ans.
Ce secteur de collection est assez complexe car il nécessite de comprendre les différentes méthodes, la qualité de l'impression et son état de préservation, entre autres. Ces derniers temps, il y a eu une diminution de l'intérêt dans ce domaine, après une forte tendance au début des années 2000. Par exemple, le 27 octobre 1999, une impression de "La Grande Vague" a été vendue pour environ 792.500 euros. Ce prix record pour une photographie ancienne a eu un impact significatif à l'époque. De nos jours, il y a peu de personnes à travers le monde qui sont prêtes à acheter des impressions du XIXe siècle pour plus de 20.000 euros. Cependant, ces collectionneurs se rassemblent tous à Paris une fois par an.
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En parallèle, la capitale accueille des expositions hors du commun, notamment au Jeu de paume une rétrospective dédiée à Julia Margaret Cameron (1815-1879), la célèbre photographe britannique qui a été une pionnière dans la création de photos très élaborées, conçues comme des peintures. A Paris Photo, la galerie de l'Américain Hans P. Kraus met en vente des impressions de Cameron, dont les prix varient entre 30 000 et 120 000 dollars.
Un autre fait marquant est que jusqu'au 25 mars, le Centre Pompidou présente l'exposition "Corps à corps". Cette exposition met en scène une discussion visuelle avec 1 500 photographies provenant à la fois de la collection du centre et de celle du producteur de cinéma Marin Karmitz. Une des surprises de cette grande exposition est le travail du Suédois Christer Strömholm (1918-2002), qui a souvent vécu en France. Il est surtout reconnu pour sa série sur les transsexuels de la Place Blanche. D'autre part, Pauline Bréton offre dans sa galerie Saint Honoré Art Consulting, située rue Saint-Honoré, une sélection de trente photographies en noir et blanc de petite taille, réalisées entre les années 1940 et 1960. Ces œuvres, qui proviennent de la famille de l'artiste, sont en vente pour environ 3 000 euros chacune, et sont exposées jusqu'au 17 novembre.
"Summer", une partie de la collection "Go-Sees" de Juergen Teller, 1998.
Paris Photo, qui compte cette année 156 galeries, se tourne de plus en plus vers la photographie moderne. L'événement expose une variété d'images, sans distinction de coût, de genre ou de popularité, des grandes figures de la photographie aux jeunes talents émergents. "Nous sommes bien conscients que le secteur de l'art connaît un ralentissement", reconnaît la nouvelle directrice artistique de Paris Photo, Anna Planas, en réponse aux commentaires sur le contexte économique difficile dans lequel l'événement se déroule. "Cependant, les tarifs appliqués ici sont généralement nettement plus bas que ceux de l'art moderne et contemporain. De plus, c'est un événement clé dans le domaine. Cette année, par exemple, nous prévoyons l'arrivée de 157 conservateurs et mécènes de musées du monde entier."
L'apparition la plus anticipée est sans doute celle de la renommée Fraenkel Gallery de San Francisco. Parmi d'autres, elle met en lumière l'œuvre de Carrie Mae Weems (née en 1953), une artiste américaine dont le travail est exposé jusqu'au 7 janvier à la Fondation Luma à Arles. Weems utilise souvent la photographie comme un outil de base pour ses narrations conceptuelles.
À la foire Paris Photo, on peut admirer une collection d'images ovales, présentées dans des cadres vintage, qui constituent ensemble une œuvre numérique représentant toutes le même ciel étoilé. Ces images sont une référence à l'histoire de son grand-père qui, après avoir été attaqué en 1936, a retrouvé son chemin en se guidant par l'étoile polaire, une méthode utilisée par de nombreux esclaves en fuite auparavant. L'un des cinq exemplaires de cette œuvre est détenu par l'Art Institute de Chicago et peut être acheté pour 150 000 dollars.
Juergen Teller, une figure emblématique de la photographie de mode
Juergen Teller, un Allemand résidant à Londres né en 1964, est l'une des célébrités de la photographie de mode. À l'opposé des représentations polies et raffinées du monde de la mode, ses photos mettent en scène ses modèles dans des postures inhabituelles, voire dérangeantes. Une exposition d'envergure dédiée à son travail s'installera à partir du 16 décembre prochain, prenant place dans l'ensemble du Grand Palais éphémère.
Pendant ce temps, au stand de la galerie Suzanne Tarasiève, qui reconstitue son studio d'antan, on peut admirer 90 images prises en 1998 et 1999. À cette époque, il avait l'habitude de prendre des photos spontanées de jeunes femmes sur le seuil de sa porte, alors qu'elles venaient chez lui pour réaliser leur portfolio. Des poses inhabituelles, des visages effrayés ou amusés… Une gamme d'émotions. (Disponible pour 6 500 euros dans une édition limitée à cinq exemplaires).
"Lori Fredrickson", tirée de la collection "Go-Sees", créée par Juergen Teller en 1999. JUERGEN TELLER
Durant l'été, Joshua Chuang, un spécialiste de la photographie, a été engagé par la galerie internationale Gagosian. Il a une préférence particulière pour Paris Photo. Il y a conçu un stand délicat qui met en avant diverses interprétations de la nature morte. On peut y voir une œuvre conceptuelle de l'artiste allemand Andreas Gursky (né en 1955) qui montre un livre ouvert sur l'une de ses photos abstraites, posé sur une autre de ses œuvres (produite en 12 exemplaires en 2012, elle est disponible pour 50 000 euros). C'est essentiellement une photo d'une photo sur une autre photo…
Un stand qui attire particulièrement l'attention est celui de la galerie RX, qui a dédié tout son espace à l'exposition de 15 panneaux mesurant au total 17 mètres de long. Ces panneaux présentent une vue panoramique des falaises de Bamiyan, en Afghanistan, après la démolition des statues de bouddhas géants par les talibans à l'aide d'explosifs. Cette œuvre a été créée sur commande de l'ambassade de France à Kaboul en 2017 par l'artiste français Pascal Convert (né en 1957). Deux autres impressions de cette même œuvre sont actuellement exposées au Louvre Lens et à la villa Médicis à Rome. Elle est mise en vente pour 265 000 euros, mais les images peuvent également être achetées par paires pour 22 000 euros en édition limitée à cinq exemplaires. Cette superbe œuvre nous rappelle néanmoins la terrifiante brutalité humaine.
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