La Collection Guerrand-Hermès: Une Célébration de l’Art, du Luxe et de la Duchesse de Berry

La collection Guerrand-Hermès, en hommage à la duchesse de Berry

Entre le 13 et le 15 décembre, Sotheby's organise à Paris la vente de presque 900 articles et œuvres d'art qui étaient la propriété de Hubert Guerrand-Hermès, l'un des successeurs de la célèbre marque de luxe. Il s'agit d'une combinaison unique d'art décoratif français traditionnel, d'art moderne et d'un amour sans fin pour la duchesse de Berry.

Par Judith Benhamou

Elle était réputée sous le nom de la Duchesse de Berry. La vie de Marie-Caroline de Naples et de Sicile (1798-1870) était remplie de péripéties, couvrant divers pays, systèmes politiques, tendances et affaires romantiques. Cette femme qui était une fervente adepte de la natation en mer et qui en popularisa la pratique en France, cette artiste qui peignait, rassemblait des photographies et possédait une collection de livres remarquable. Elle fut une muse pour Alexandre Dumas, l'un de ses personnages féminins étant inspiré par elle, et elle entretenait également une correspondance avec Chateaubriand. Elle est souvent considérée comme l'une des figures les plus excentriques de l'histoire française.

Une fervente royaliste qui deviendra, plus d'un siècle après, l'objet d'une véritable dévotion de la part d'un homme très reconnu dans les cercles huppés de Paris, Hubert Guerrand-Hermès. Il est mort en 2016 et, suite à une bataille houleuse pour son héritage, Sotheby's met en vente, à Paris du 13 au 15 décembre, ses collections au bénéfice de ses deux enfants.

Hubert Guerrand-Hermès était un des descendants de la famille qui supervisait la célèbre marque de luxe Hermès. Ceci lui offrait l'opportunité de se consacrer à ses hobbies, notamment la chasse et l'acquisition d'art et d'objets artistiques. « Il était un gentleman traditionnel, d'une manière d'un autre temps, toujours souriant, avec une vie bien remplie et qui avait du mal à respecter l'heure. Il avait un amour pour l'apprentissage et la découverte », se rappelle l'architecte d'intérieur François Joseph Graf. Ce dernier a été chargé de l'aménagement de l'étage de sa résidence de prestige classée monument historique, l'hôtel de Lannion, situé au 75, rue de Lille, dans le 7e district de Paris. Actuellement, tous les biens de la maison sont répartis.

La totalité des 900 articles, divisée en quatre enchères, dont une dédiée aux objets de la plus haute valeur le 13 décembre, est évaluée à environ 10 millions d'euros.

Le manuscrit de Balzac a une valeur estimée à 2 000 euros. Était-ce la raison de son amour pour l'histoire ou le résultat de celui-ci ? Hubert Guerrand-Hermès était l'époux de Rosalinda Alvares Pereira de Melo, une descendante de Marie-Caroline de Naples et de Sicile et la fille du Duc de Cadaval. "Il était épris de la Duchesse de Berry. Cela semblait tout à fait clair", explique François-Joseph Graf.

L'intégralité de la vente du 15 décembre, qui comprend 520 articles à vendre, est dédiée à la duchesse. Hubert Guerrand-Hermès a méticuleusement essayé de reconstituer la collection de livres et de manuscrits de cette femme exceptionnelle, qui comptait 8 000 pièces. Il a également enrichi cette collection avec des livres qui dépeignent son époque.

La collection d'Hubert Guerrand-Hermès est conservée à l'Hôtel de Lannion à Paris, dans sa bibliothèque. C'est une collection Sotheby's.

On peut y dénicher un manuscrit illuminé sur du parchemin extrait des "Confessions" de Saint Augustin, qui date de 1125. Ce manuscrit est marqué par l'ex-libris distinctif de la duchesse, provenant de la bibliothèque du château de Rosny-sur-Seine (valeur estimée à 80.000 euros). On peut également y trouver un manuscrit d'Honoré de Balzac qui, sur cinq pages, exprime sa désapprobation envers le projet de démolition d'un monument construit en l'honneur du duc de Berry (évalué à 2.000 euros).

L'enchère du 15 décembre offre également des objets insolites, tels qu'une œuvre artistique plutôt adroite de Marie-Caroline dans un genre néogothique, dépeignant une figure en train de prier dans une chapelle (valeur estimée : 2.000 euros), huit paires de chaussures pour femmes anciennes et usées, dont certaines ne sont pas assorties (valeur estimée : 300 euros) ou encore une serrure et sa clé en fer forgé, frappées du blason de la duchesse (valeur estimée : 400 euros).

Bien que Hubert Guerrand-Hermès avait une variété d'intérêts, il ne préférait pas mélanger les styles dans sa demeure. Par conséquent, le rez-de-chaussée était aménagé et orné de peintures toutes issues du XVIIIe siècle français.

Siège royal estimé à environ 500 000 euros

Les personnes qui l'ont explorée rapportent que le sous-sol et le premier étage abritaient de l'art moderne. Dans le catalogue, l'objet le plus anticipé est un siège royal, créé et marqué par George Jacob aux alentours de 1784 pour le salon privé de Marie-Antoinette au palais de Versailles. On estime sa valeur à environ 500 000 euros. Les experts en histoire croient que cet article, qui représente le summum de son genre, a quitté Versailles lors des ventes qui ont eu lieu pendant la révolution en 1793-1794.

Elle a été retrouvée en 2000 à l'Hôtel Drouot, où Hubert Guerrand-Hermès l'a acquise pour une somme équivalente à 350.000 euros aujourd'hui. D'après Mario Tavella, le président de Sotheby's Europe, les meubles de haute qualité et d'origine exceptionnelle ont vu leur valeur augmenter considérablement ces dernières années. En particulier, il s'agit ici d'un magnifique exemple de l'artisanat de la menuiserie française. Il y a deux décennies, ce type de mobilier était acheté principalement par de grands marchands parisiens ou, par exemple, par la femme du banquier Edmond Safra. Cependant, cette clientèle n'existe plus aujourd'hui. À la place, des acheteurs américains et asiatiques ont pris le relais. Ils sont à la recherche du haut de gamme qu'ils associent à des pièces d'autres périodes.

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Le 11 octobre 2023, lors de la vente aux enchères des collections provenant du château de Ferrière en Seine-et-Marne, appartenant autrefois au baron James de Rothschild et à ses héritiers, une paire de fauteuils somptueux (appelés "fauteuils à la reine") en bois doré, marqués par l'ébéniste Louis Delanois, ont été vendus étonnamment par Christie's à New York. Ces fauteuils ont été vendus pour l'énorme somme de 4,4 millions de dollars, alors qu'ils étaient évalués à 500 000 dollars. Karl Lagerfeld avait à un moment des fauteuils similaires dans sa possession.

Encore plus étonnant, lors de ces mêmes enchères, un autre ensemble de chaises, portant également la marque de Delanois et fabriqué autour de 1770 pour Madame du Barry pour le château de Louveciennes, a été vendu pour 6,2 millions de dollars, bien au-dessus de l'estimation initiale de 600 000 dollars. L'attrait contemporain de la dernière maîtresse de Louis XV et du style Rothschild a clairement joué un rôle majeur dans cette vente.

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En outre, le 25 novembre, à Saint-Germain-en-Laye, une commode datant de 1738, conçue par l'éminent ébéniste Cressent pour la chambre de Louis XV au château de La Muette à Paris, a été vendue pour 1,8 million d'euros alors qu'elle était estimée à 500.000 euros. Il est à noter que la stratégie actuelle des experts est de donner des estimations basses pour susciter l'intérêt des acheteurs éventuels.

On attend également avec impatience le jugement qui sera rendu le 12 décembre à l'hôtel Drouot, par l'intermédiaire de la maison d'enchères Pescheteau-Badin, concernant une table à écrire de design épuré créée par un autre maître en la matière : Riesener. Cette pièce, datée de 1771, était précédemment située dans le Petit Trianon à Versailles et était probablement utilisée par Louis XV. Malgré ce que les nouvelles récentes pourraient suggérer, ces objets venant de la royauté sont extrêmement rares.

La dégringolade du meuble traditionnel

Par contre, une autre destinée attend le meuble traditionnel ordinaire, même s'il est de bonne facture. Il subit une baisse constante. "Les prix ont chuté d'environ 50% en quinze ans, contrairement aux meubles royaux ou exceptionnels, dont la valeur a grimpé de 200%, voire 300%, depuis les années 1990", récapitule Mario Tavella.

C'est pourquoi lors de la vente du 14 décembre, des meubles traditionnels sont mis à la vente avec des évaluations similaires à celles des meubles modernes produits en masse. Par exemple, une paire de petites tables rondes Louis XVI en acajou et bronze doré est valorisée à 2 000 euros. Une grande chaise Louis XV à dossier rembourré en bois doré, marquée par Jean-Baptiste Boulard, a une évaluation identique.

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Finalement, c'est apparemment grâce à l'intermédiaire du commerçant salzbourgeois basé à Paris, Thaddaeus Ropac, aussi passionné d'opéra que Hubert Guerrand-Hermès, que ce dernier a découvert l'art contemporain. Dans ce secteur, l'œuvre la plus estimée est une impressionnante peinture de Pierre Soulages de 1970, caractérisée par de larges mouvements noirs sur un fond blanc, qui ressemble à une calligraphie.

Il l'a remportée lors d'une vente aux enchères le 8 décembre 2009, pour une somme de 720 700 euros. De nos jours, sa valeur est estimée à 600 000 euros. Ce n'est pas que les coûts des œuvres de Soulages ont chuté. En fait, c'est plutôt le contraire. Cependant, les maisons d'enchères, chaque fois qu'elles en ont la possibilité, proposent des estimations plus basses dans le domaine de l'art contemporain pour stimuler l'intérêt. Cette approche est généralement payante dans un environnement général devenu très imprévisible.

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Judith Benhamou

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