Diplomatie délicate: le chancelier Scholz face à Erdogan sur la question d’Israël et de la guerre à Gaza

À Berlin, Scholz tente de maintenir une position équilibrée face à Erdogan. Le chancelier a réitéré le droit d'Israël à l'autodéfense, tandis que son interlocuteur réclamait un arrêt immédiat des hostilités. Tout en gardant un ton diplomatique, Scholz n'a pas dissimulé ses différences de points de vue avec Erdogan.

Par Emmanuel Grasland

De manière inhabituelle, on pouvait percevoir une certaine influence d'Emmanuel Macron chez Olaf Scholz vendredi soir. Il ne faut pas comprendre que le calme chancelier ait adopté un discours éloquemment français. Cependant, son utilisation de l'expression "en même temps" pouvait rappeler le candidat de 2017.

C'est indéniable qu'Olaf Scholz était engagé dans une tâche complexe. Il devait exprimer ses croyances sur le conflit entre Israël et le Hamas, tout en esquivant une quelconque action spectaculaire de son invité de quelques heures, le président turc, Recep Tayyip Erdogan.

Des propos qui avaient provoqué de l'émoi

Il y a peu de temps, cette personne avait défini Israël comme un "État terroriste" et remis en doute l'authenticité de l'État juif "en raison de son propre fascisme". Ces propos avaient suscité de l'indignation en Allemagne, où la lutte contre l'antisémitisme est considérée comme une mission nationale.

"Le Hamas a lancé une attaque brutale contre Israël le 7 octobre", a insisté Olaf Scholz, tout en réitérant à plusieurs reprises que le droit d'Israël à l'autodéfense était indéniable. "Cependant, nous affirmons également que chaque vie est d'égale importance. La détresse de la population civile palestinienne à Gaza nous pèse lourdement."

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Il en va de même pour les discriminations. "L'antisémitisme n'a aucune place en Allemagne. […] Parallèlement, je me dresse contre ceux qui tentent de priver les cinq millions de musulmans en Allemagne de leur droit de résider dans notre nation."

Assauts sur les individus de l'Occident

A ceux qui avaient plaidé pour l'annulation de ce rendez-vous, Olaf Scholz a habilement rétorqué. "Monsieur le Président, il est clair pour tout le monde que nos perspectives sur le conflit en cours sont différentes, parfois extrêmement différentes. C'est précisément pour cette raison que nos conversations sont cruciales."

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De sa part, le chef d'État Erdogan s'est abstenu de faire des déclarations incendiaires. À Berlin, il n'a pas mentionné le « génocide » dans la bande de Gaza, ni accusé que « les Occidentaux » étaient « les principaux responsables des tueries à Gaza », comme il l'avait fait précédemment fin octobre, lors d'un rassemblement en faveur de la Palestine.

Autrefois, il avait même douté que l'Occident cherchait à « instaurer un climat de croisades » à l'encontre des musulmans.

"Rien n'a été épargné"

Recep Tayyip Erdogan a souligné l'intensité dévastatrice du conflit, indiquant qu'il ne reste "presque rien à nommer comme Gaza. Rien n'a été épargné". Il a vivement encouragé Israël à arrêter "sans délai" ses offensives. "Attaquer des établissements de santé ou ôter la vie aux enfants ne fait pas partie des préceptes de la Torah. Vous ne pouvez pas agir ainsi", a-t-il déclaré.

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Le chef d'État turc a rejeté toute accusation d'antisémitisme dans ses commentaires sur Israël. "Selon nous, il ne devrait exister aucune forme de préjugés entre juifs, chrétiens et musulmans dans la zone".

Restreindre l'immigration

En réalité, Olaf Scholz et Recep Tayyip Erdogan sont obligés de dialoguer. Environ 3,5 millions de personnes d'origine turque résident en Allemagne et forment, selon les propos du président turc, "un lien humain" entre les deux nations.

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Principalement, Berlin et l'Union Européenne aspirent à renouveler l'accord conclu en 2016 avec la Turquie, dans le but de restreindre l'afflux de migrants vers l'Europe. De son côté, Ankara anticipe une facilitation des procédures de visa pour ses citoyens et demeure, dans le cadre du conflit ukrainien, un intermédiaire pour transmettre des messages à Poutine.

L'Allemagne espère également que la Turquie approuvera l'adhésion de la Suède à l'OTAN, alors qu'Ankara aimerait acquérir 40 avions de chasse Eurofighter d'Airbus. Cependant, il est fort probable que le Bundestag s'opposera à cette transaction.

Deux approches pour répondre aux interrogations

Au terme des allocutions, les deux uniques questions ont été distribuées à une reporter turque et à un correspondant allemand. Tous deux ont critiqué le chef de l'autre pays. Ceci illustre de manière évidente l'étendue des désaccords entre les deux nations.

Les deux chefs d'État ont répondu à leur façon aux questions posées. Olaf Scholz a répondu en utilisant l'expression "en même temps", tandis que Recep Tayyip Erdogan a conseillé au journaliste de ne pas l'intimider, alors que celui-ci se questionnait sur la vente d'avions de combat à un pays tel que la Turquie.

Emmanuel Grasland (Reporter basé à Berlin)

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